1. Introduction

L'origine de cet essai provient de l'angoisse qui me prenait lorsque j'observais la situation politique de la France, mais également son évolution. Il me semblait que les hommes politiques qui se succédaient à la tête de l'État ne cessaient d'entraîner notre pays à sa perte. En effet, alors que la Révolution française avait posé les principes de la souveraineté populaire, de la laïcité, de l'unicité et de l'indivisibilité de la République, de l'égalité de tous les citoyens en droits, de communauté nationale, qu'elle avait poursuivi le projet unificateur de la France, présent dès ses origines, avec notamment l'instauration du Français sur tout le territoire, et que la Vème République, basée sur ces principes, créait des services et des monopoles publics (dans l'énergie et les transports, notamment) pour garantir la maîtrise de son destin par le peuple, tout en créant ou maintenant des systèmes de solidarité collectives (sécurité sociale, retraite par répartition), et autres droits sociaux (droits de grève...), j'observais (et j'observe toujours) la destruction de l'État par des privatisations, son dénigrement par les hommes politiques, la valorisation du communautarisme, la paupérisation de la population, la dépossession massive de la souveraineté du peuple par l'union européenne, ainsi que l'expression d'un discours fataliste, aussi bien de la part des élites médiatiques que politiques.

Pourquoi? Pourquoi ce suicide collectif, pourquoi cette volonté froide, déterminée, constante et largement répandue de destruction systématique de ce qui fondait notre bien-être, du socle commun qui fonde une société (en effet, je ne pouvais imaginer ce mouvement autrement que conscient et voulu)? C'est la réponse à cette question que je prétends avoir trouvé et que je vous présente dans ce document.

 

Largement étonné par l'aspect clairement et systématiquement délétère des décisions politiques prises depuis une trentaine d'année environ, ainsi que du caractère absurde de la pensée dominante (à mon sens) 1 , j'ai essayé d'en comprendre les raisons (dans l'analyse qui va suivre, je pars de l'hypothèse que cette constatation est correcte, je ne vais donc pas essayer ici de la prouver _ce que je pourrais faire, mais ce n'est tout simplement pas l'objet de mon article).

Cela m'a amené à m'intéresser à une population très importante quantitativement en France, très homogène idéologiquement, active « intellectuellement », et donc d'un poids très important sur la classe politique actuelle, à savoir la population de l'après-guerre, celle qui a fait mai 68. Cette population forme donc une génération, ce qui m'a donné une piste pour la comprendre. Mais elle forme aussi deux classes sociales la classe moyenne (en gros), et la grande bourgeoisie financière, la première étant l'idiote utile de la seconde. Ma thèse, c'est que cette population (les bourgeois de gauche) n'a eu de cesse qu'elle détruisît tout ce que leurs parents avaient construit, qu'elle s'opposa à tout leur système de pensée, et qu'elle créa tout ce qui leur était inacceptable (tels des adolescents revanchards et mal dans leur peau).

  1. L'origine

Cette génération s'est pensée en opposition frontale à la précédente pour plusieurs raisons 2 .

Premièrement, cette génération vivait, alors qu'elle était en âge de s'émanciper (fin de l'adolescence), dans une période de croissance économique sans précédent dans l'histoire, avec à portée de main une richesse, un confort matériel inouï. Mais cette population n'avait pas accès à toute cette richesse, à cause de la rigidité de ses parents qui exerçait sur cette génération une pression confinant à l'oppression (toute proportion gardée éducation très rigide, voire violente, avec beaucoup d'interdictions). La génération soixante-huitarde se vivait comme le supplicié Tantale, dans la frustration permanente.

Deuxièmement, ces jeunes adultes ne pouvaient pas politiquement tuer le père la mythologie officielle leur montre des héros purs, des résistants bravant tous les dangers, d'autant plus valorisés qu'ils ont résisté tôt aux teutons. Moralement irréprochables, combattants à l'engagement insensé, et victorieux. Ces figures viriles ayant pris tous les risques exercent sur une jeunesse vivant sans risque et dans un confort qui ne fait que croître une pression psychologique démente elle ne peut rivaliser, elle n'a pas mené de lutte fondatrice pour asseoir sa légitimité au regard de l'histoire. Et ce d'autant plus que la guerre, au lieu de déboucher sur un chaos politique, voit se rétablir un État de droit qui fonctionne, fondé et gouverné par ceux-là même qui avaient acquis leur légitimité dans la lutte préalable. Par ailleurs, les nouveaux dirigeants, loin d'être des despotes autocratiques ou de médiocres politiques, vont faire preuve d'inventivité en instaurant des droits sociaux (c'est l'application du programme du Conseil National de la Résistance 3 ) les enfants de l'après-guerre n'ont, à part des miettes, plus rien à revendiquer, plus rien à réclamer (sauf, comme je l'ai déjà mentionné, leur part du gâteau économique). Cela ne poserait pas de problème dans une société immuable, ou aux changement très longs (car quand rien ne change, on ne s'imagine pas que les choses puissent changer, donc on ne demande pas le changement), mais voilà, ce n'était pas le cas.

Troisièmement, cette population qui prend ses marques est alors traumatisée par un paternalisme oppressif, par la violence qu'elle subit dans la sphère privée. D'une part, comme je l'ai déjà signalé, elle se trouve empêchée par la générations précédente de pouvoir pleinement profiter des bienfaits de la croissance économique. Et d'autre part, ceux qui, chez leurs parents, ne peuvent prétendre avoir pris part au mythe (et ils sont nombreux), ont très bien pu compenser cette dévalorisation (par contraste) par une poigne de fer dans la sphère privée, empêchant toute expression critique (pure hypothèse de ma part). Et enfin, les mœurs sont restées de toute manière très strictes, non pas à cause de pressions externes, qui tendent à s'amenuiser (lentement, néanmoins), mais par le poids des habitudes culturelles, de la religion catholique, alors encore très influente, et probablement aussi par la frustration d'une génération qui n'a pas connu lors de sa jeunesse un tel bien-être potentiel, et qui veut donc en priver ceux qui pourraient en bénéficier (c'est le phénomène du « Si moi je souffre, je veux que tous les autres souffrent aussi, sinon c'est pas juste. »). Bref, la violence familiale ne peut plus être justifiée par un environnement de moins en moins hostile, pour une population qui a l'âge de l'émancipation, et les moyens matériels de quitter le foyer familial (par le plein emploi et les loyers modérés).

  1. Analyses rapides

La frustration consumériste va faire apparaître deux types de population ceux qui pourraient et ceux qui ne pourront pas. La première catégorie regroupe les individus potentiellement riches. On est donc en face, soit de gosses de riches, soit d'enfants de prolétaires, mais ayant fait des études leurs permettant de monter dans la hiérarchie sociale (ce qui leur donne toute latitude pour gentiment mépriser leurs parents et s'estimer très intelligents, tout en ayant la bonne conscience d'être de gauche par leurs origines). La seconde catégorie regroupe les pauvres. Le fils d'ouvrier, prolétaire, ne va pas demander (à consommer) quoi que ce soit à ses parents, qui n'ont, eux, rien à lui proposer qu'il n'ait déjà, et il le sait bien. Il va plutôt vouloir s'en prendre à son patron (ce qui, au passage, fait intervenir l'État, éternel médiateur des luttes sociales en France).

Traumatisés qu'ils furent par leurs vies familiales durant leur enfance (ils critiquent leurs parents, pas un inconnu honni), la critique de la génération précédente va, pour les soixante-huitards, d'abord tourner autour de la sphère privée. Cela explique pourquoi, au niveau politique, les bobos 4 mèneront principalement des luttes sociétales plutôt que sociales, pourquoi autant de soixante-huitards seront professeurs 5 (voulant être des parents pour tous), et pourquoi la sphère privée phagocytera de plus en plus la sphère publique en politique (monsieur le Président de la République Française Nicolas Sarkozy étant à cet égard _et tant d'autres_ l'illustration du triomphe du soixante-huitardisme en tant qu'idéologie dominante 6 ).

Autre point majeur (à mon avis), c'est que la population issue de l'après-guerre, pour s'opposer à la génération qui l'a précédée, va choisir (plus ou moins inconsciemment) de ne pas le faire sur le plan politique, car elle sait d'avance qu'elle perdra (or elle a soif de victoire, c'est-à-dire d'affirmation d'elle-même _et vice et versa). Par conséquent, elle choisit un autre terrain de bataille, une autre façon de se mesurer, un autre centre d'intérêt. Et cet autre centre d'intérêt (qui en fait est double) va tout naturellement être celui qui occupe déjà son esprit la libération des mœurs et la consommation, c'est-à-dire l'idéologie libertaire, d'une part, et l'économie libérale, d'autre part ; ces deux aspects étant cohérents dans leurs volontés communes de suppression des règles collectives (et étatiques) « Laissez-moi faire c'que je veux, enfin! ».

Les « libéraux-libertaires » vont ainsi pouvoir servir les intérêts du pays qui promeut le libéralisme à travers le monde, qui s'appuie sur le libéralisme pour asseoir son statut de puissance politique majeure de la seconde moitié du XXème siècle les États-Unis 7 . Et ils serviront ce pays avec d'autant plus d'enthousiasmes qu'ils lui doivent tout. En effet, les soixante-huitards n'ont pu être que grâce à une anomalie systémique créée justement par les États-Unis, le plan Marshall. Moyen, pour ce pays, d'écouler son surplus (signe et cause de sa domination), il apportera un surcroît artificiel de richesse dans la France d'après-guerre. Ce facteur, submergeant tous les autres déterminismes de la société française par son ampleur, modifiera de manière très importante les équilibres de cette société, la déstabilisera, et ne laissera après son reflux que des ruines. L'économie françaises, dopée artificiellement, finira, une fois ces effets euphorisants dissipés, par prendre conscience des conséquences de l'injection massive de liquidités (désindustrialisation en phase terminale, déficit chronique, société désorientée, rongée de l'intérieur par un chômage de masse...). Droguée, son sevrage sera repoussé par une deuxième injection, l'euro, qui ne fera d'ailleurs que repousser la descente tout en accentuant la chute.

Incapable, politiquement, de tuer le père, condition sine qua non d'un épanouissement de la psyché (leurs enfants, au moins, grâce à eux, n'ont pas ce problème), cette génération n'aura principalement que la mauvaise foi et le déni de réalité comme seules solutions pour s'affirmer, sur le plan politique.

  1. Les soixante-huitards et la politique

Les libéraux-libertaires ne vont pas s'investir en politique, chercher à se faire élire, pour les raisons vues précédemment ils n'ont pas besoin de faire cet effort puisqu'ils ne souffrent pas socialement, collectivement (ils souffrent tous, certes, mais du côté de leur psyché, sans qu'ils soient capable de muer cela vers une vision collective).

Mais le soixante-huitard se sent quand même investi d'une mission combattre l'obscurantisme, le fascisme, le nationalisme, le ...isme les méchants. Le bobo est le chantre la bien-pensance, il se vit comme étant le gardien vigilant et inflexible du bien, il a toujours bonne conscience, il est le Bien _ce n'est pas seulement qu'il a toujours raison, en fait il est la raison.

    1. La gauche

Leur engagement politique va se limiter au vote, principalement pour le parti socialiste, car ce dernier représente la synthèse parfaite un parti libéral qui se prétend proche des pauvres. Le réalisme de la droite et la bonne conscience de la gauche, voilà qui attire le bobo.

Le parti centriste attire également fortement les bobos totalement libéral (mais sans l'assumer), pseudo-libertaire, anti-patriote (fédéraliste), avec à sa tête une personnalité assez fade, ce parti est une bonne alternative au parti socialiste (puisqu'au fond, il est pareil). Il est seulement moins prisé que le parti socialiste parce qu'il fait de moins bons scores (et tant qu'à voter, autant voter pour le gagnant) et qu'il s'affiche à droite ; corollaire plus le parti centriste sera haut dans les sondages, plus il s'affichera comme étant de gauche, et plus il sera attirant pour les soixante-huitards.

Le parti communiste, bien que libertaire, tout comme les partis « révolutionnaires », est trop à gauche (trop social) pour emporter beaucoup d'adhésion de la part des soixante-huitards. L'internationalisme de ces partis, leur contestation de l'État et de l'autorité leurs valent une certaine sympathie. Mais par contre, leur côté « Je lutte pour mes idées même si je n'ai aucune chance de prendre le pouvoir. » leur donnent un côté pathétique et désuet aux yeux des soixante-huitards « lutte » et « idée » ne font pas partie de leur bagage conceptuel. Se battre politiquement pour ses idées est considéré comme ridicule, dépassé, puisque relevant de pratiques de la génération de leurs parents. Non, non, il faut être cynique, ne croire en rien, et dénigrer tout engagement politique, le concept même d'idéal politique étant ridiculisé, avoir des idéaux ou des passions vous mettant immédiatement dans la catégorie des doux dingues, inoffensifs 8 rêveurs qui n'ont rien compris à la vie. La lutte des classes est considérée comme une absurdité en effet, pourquoi mettre des masses en mouvement quand ce que l'on peut avoir, c'est son confort individuel sans faire appel à d'autres? En plus, les luttes collectives leur rappellent trop ces gens qui ont mis en péril leur propre bonheur individuel immédiat pour un bien-être collectif futur et hypothétique, ce qui revient à les mettre en face de la petitesse de leur lutte égoïste de mai 1968 (leur grand combat fondateur, leur gloire à jamais, leur blocage intellectuel définitif). Pour nier ce fait, ne pas risquer la comparaison (qui fait si mal), quoi de mieux que de nier le fait collectif, c'est-à-dire nier la politique, pour ne se concentrer que sur des destins individuels?

    1. La droite

Évidemment, la droite, immédiatement vue comme autoritariste, attachée à des valeurs non nouvelles (« Vu à la bibliothèque! »), est rejetée et décriée (valeurs non nouvelles donc forcément dépassées « d'une autre époque », autrement dit « de l'époque de mes parents », ce qui constitue une tare irrémédiable). Même si au premier abord les soixante-huitards considèrent la droite comme un bloc, il convient d'affiner cette approche. En fait, il y a quatre droites

  • une droite traditionaliste (plutôt paternaliste _ je rappelle au passage le traumatisme familial causé par le père_, blindée de bourgeois catholiques à l'éducation stricte et vénérant l'autorité _pas bon ça, pas bon_),

  • une droite libérale (plus friquée, plus urbaine, plutôt composée d'entrepreneurs et de salariés du privé, fascinée par la bourse),

  • une droite populaire (prolétaire, considérant l'État comme une protection contre le libéralisme _surtout maintenant_, et n'ayant que mépris pour des libertaires qu'ils considèrent comme des fainéants), et

  • une droite directe au menton, mais c'est une autre histoire (vous ne l'aviez pas vue venir, celle- 9 ).

La droite libérale va attirer les gosses de riches (la bourse, c'est le casino, l'argent sans effort ; la finance, c'est l'argent fait avec de l'argent, déconnecté de la réalité _la réalité, vous savez, l'endroit où l'on voit qu'ils sont totalement illégitimes à brasser autant de pognon).

La droite traditionaliste est pour les soixante-huitards un objet particulier, à la fois attirant et repoussant. Les gens qui en font partie sont plus riches que la moyenne, ont une certaine importance sur le plan local (ce qui attire ceux qui veulent continuer à monter dans l'échelle sociale), mais ont perdu une grande partie de leur lustre d'antan (ils sont l'ancienne classe dirigeante, ce qui attire les gosses de riches, qui les ont remplacé mais qui savent confusément que leur groupe social finira comme eux _ne parlons pas de « classe », pas de gros mots, voyons) ; ils sont plus diplômés que la moyenne (ce qui attire les bobos diplômés), mais ne se sont pas élevés par leurs diplômes (le diplôme n'est pas la source de leur légitimité, c'est une question d'époque) ; ils sont charitables, et ne fréquentent pas les pauvres (là, c'est tout bon), mais ne les méprisent pas non plus_ oui, effectivement, j'en vois qui suivent, je sous-entends là que le soixante-huitard se moque des pauvres comme d'une guigne. Mais ne dites pas à un soixante-huitard qu'il se fiche des pauvres, il poussera des cris d'orfraies en disant qu'il a manifesté pour les enfants du Darfour, c'est bien la preuve 10 . Les soixante-huitards ne sont pas de la droite traditionaliste, mais ils fréquentent volontiers ses représentants (et en plus, sait-on jamais, on y trouvera peut-être de bons partis pour leurs enfants).

La droite populaire, en revanche, va être repoussée à la fois par les gosses de riches et par les enfants de prolétaires ayant pris l'ascenseur social elle n'est ni libérale ni libertaire, elle est pauvre et peu (pas) diplômée ; je reviendrai sur cette population car son rapport avec les soixante-huitards est à mon avis extrêmement intéressant.

    1. Les nouvelles lignes de fractures politiques

Au sortir de la seconde guerre mondiale, la ligne de fracture classique de la France, droite/gauche, a été profondément modifiée, et cette modification s'est accentuée avec le temps.

L'analyse politique classique veut que la France soit divisée principalement en deux camps, deux populations d'un côté les riches, les bourgeois, le capital, et de l'autre les pauvres, les prolétaires, le travail. Même si la lutte des classes reste une réalité, cette vision classique perd de sa pertinence car des facteurs ont profondément changé la société française. D'une part la guerre et son cortège de destructions, collaborations, et luttes exacerbées pour le pouvoir, a redistribué les cartes en terme de pouvoir d'influence, de légitimité historique (morale), de gouvernement politique et de capacité économique. Certes, tout n'a pas changé, les pouvoirs d'avant-guerre n'ont pas tous changés de mains, mais les différences ont été suffisamment importantes pour entraîner un changement du système en 1940, Philippe Pétain, en étant Président du Conseil des ministres à 84 ans, symbolise l'incapacité des dominants de l'époque à se renouveler. C'est une fin de cycle, et de Gaulle, en lançant son appel la même année, annonce également un nouveau cycle ; il a alors 50 ans, et ce sont donc quasiment deux générations qui séparent l'homme de l'armistice de l'homme de la résistance.

    1. Au final, quelle action?

Leur refus de l'engagement politique (et, finalement, leur refus de prendre le risque d'être désavoués par le bas peuple, par la masse) leur fait remplir tous les endroits où ils pourront diriger et agir directement, sans légitimité, certes, mais surtout sans contre-pouvoir, sans avoir à rendre de compte à personne O.N.G., café philo, amicale quelconque, réunion de quartier, comité citoyen, corps éducatif, journalistique (et probablement corps judiciaire, puisqu'il attire naturellement les donneurs de leçons)... Ah, le charme ineffable de la société civile! Le soixante-huitard adore se donner bonne conscience à peu de frais, agir directement, individuellement, et discuter, critiquer au chaud, avec ses pairs, où sa pensée tourne en rond et se stérilise. Son rejet du fait national, donc sa défiance envers l'État, entraîne une défiance systématique envers les officiels, les élus. À force, il en vient naturellement à se défier de ceux dont ces derniers tirent leur légitimité et leur pouvoir, c'est-à-dire les électeurs le peuple (« d'ailleurs, les pires fléaux ne viennent-ils pas de peuples (ultra-)nationalistes _horreur!_? Oui, méfions-nous des foules (aisément manipulables, c'est bien connu), des peuples (s'il n'y avait pas de peuples, il n'y aurait pas eu de guerres mondiales). »). De toute manière, comme je l'ai déjà écrit, promouvoir exclusivement l'individu, nier le fait collectif, c'était déjà dénier à la Politique toute raison d'être. Finalement le soixante-huitard s'assoit sur la démocratie, et ce d'autant plus facilement qu'elle lui donne souvent tort 11 .

Au pire, le soixante-huitard exprimera sa protestation dans des manifestations, exutoires stériles, signera des pétitions de principe, et au maximum fera grève (pas longtemps, car plutôt bien servi socialement, il a trop à perdre et trop peu à gagner personnellement). Bref, n'allant jamais au bout de la logique démocratique, sa réaction sera inefficace, inoffensive pour les puissances en place.

  1. Les soixantes-huitards et l'apolitique

Nous l'avons vu, le soixante-huitard méprise les idéologies (son idéologie c'est que les idéologies, c'est pas bien).

Mais en fait, ces bourgeois vont créer et faire émerger une idéologie au cours du XXème siècle. Tout un corpus intellectuel original va sourdre pour conforter les bobos dans leurs croyances et faire une propagande de leurs style de vie. Cette idéologie avancera masquée; elle ne peut en effet pas s'assumer en tant que telle puisque les idéologies sont censées être mauvaises. Cette idéologie inconsciente qui rend l'inconscient idéologique, c'est la psychanalyse.

La psychanalyse, c'est un truc de personnes qui n'ont pas de problème. Ces personnes n'ont tellement pas de problème, elles vivent tellement dans le confort, qu'il ne leurs reste plus qu'un sujet de préoccupation: eux-mêmes. Sans les trente glorieuses, ce sommet du confort bourgeois, la psychanalyse n'aurait jamais pu voir le jour. Et avec les trente glorieuses, la formalisation de la psychanalyse devenait une formalité.

Voilà précisément le sujet de la psychanalyse: l'individu confronté à lui-même. Et tout problème d'interaction avec les autres recentre l'individu sur lui-même. Aucune pensée collective, aucune pensée de la collectivité, aucune mise en perspective historique ou autre avec la psychanalyse. Non! Seul l'individu compte! Et à quoi ramène systématiquement tout analyse psychanalytique? Logiquement à l'obsession première de la nouvelle classe dominante: le sexe (l'Œdipe, la jouissance sans entrave...)! Le bourgeois est fatalement libertaire quand il ne s'occupe plus que de lui-même. Mais il n'en reste pas moins bourgeois, ce qui explique que l'argent fasse partie intégrante de la thérapie proposée par la psychanalyse. La psychanalyse s'occupe du seul problème qu'il reste au bourgeois _par son confort_, mais elle lui montre également les raisons et les limites de son confort (l'argent qu'il possède).

La psychanalyse assoit l'individualisme, le théorise, le rend scientifique (incontestable), le justifie, le légitime et donc le conforte. La psychanalyse fait de l'individualisme une réalité objective, il permet donc de cacher que c'est une idéologie. Là encore la stratégie de contournement est à l'œuvre; plutôt que de répondre à une idéologie par une autre idéologie, le bobo répond par la science (certes, il a tort, mais il est de bonne foi). Grâce à la psychanalyse, le contournement est même double; plutôt que de répondre à un projet de société par un autre projet de société, il parle de destins exclusivement individuels. Le libéral-libertaire a tout naturellement créé l'instrument de son expansion idéologique et complété ainsi son confort matériel par un confort intellectuel. L'époque a généré sa justification. Et donc son explication. Voilà pourquoi une analyse purement rationnelle ne peut qu'échouer à comprendre l'évolution de notre société actuelle, là où une analyse psychanalytique l'explique aisément.

  1. L'union européenne: Miracle!

Nous avons vu pourquoi les soixante-huitards ont décidé de se focaliser sur l'économie plutôt que sur la politique, sur la vie privée plutôt que sur la vie publique, sur l'individualisme plutôt que sur les destins collectifs. À partir de là, l'union européenne est vue comme une pure bénédiction. Elle synthétise tout ce à quoi les libéraux-libertaires aspirent. En effet, elle se pose, non seulement en alternative à la Nation, mais surtout en son dépassement. L'union européenne n'est pas pensée par les bobos uniquement comme un autre type d'organisation des sociétés humaines (par rapport à l'État-Nation), mais bien comme « Le » stade ultime d'organisation. Et ça, c'est génial pour les soixante-huitards. La génération au pouvoir avait construit et entretenu un État fort et social ; mais en fait elle se trompait, elle ne s'était pas concentrée sur la bonne entité politique, qui était l'union européenne. Le concept d'union européenne est un outil facilitant la stratégie d'évitement de confrontation frontale dont j'ai parlé précédemment (ce n'est pas qu'ils ont mal gouverné, c'est qu'ils n'ont pas gouverné le bon truc). Il permet aux soixante-huitards de ringardiser la classe politique de l'époque ils ont trouvé mieux, ils peuvent donc s'affirmer face à leurs prédécesseurs. L'union européenne va donc être pour les libéraux-libertaires un facteur d'identité ; ceci explique qu'ils la défendent envers et contre tout (même lorsqu'elle va à l'encontre de leurs intérêts et leurs idées), car sinon, ils seraient obligés, un, de reconnaître qu'ils se sont plantés toute leur vie (un peu comme les communistes français à une époque), et deux, de revenir au concept de Nation, c'est-à-dire de réaffronter en face une époque qu'il ont combattu (et dont la confrontation a forgé leur identité). L'union européenne, pour eux but, fin en soit, et non pas moyen, sera défendue irrationnellement beaucoup de soixante-huitards (de la classe moyenne) sont ainsi pour des services publics forts, lors même que l'union européenne les détruit systématiquement.

Par ailleurs, l'union européenne, c'est tout à la fois la négation de la politique et la promotion de l'économie. On voit une fois de plus à quel point l'union européenne correspond à une époque, à une population. Un des concepts que véhicule l'union européenne, c'est que l'économie est le dépassement du politique (l'objectif de l'union européenne est d'ordre économique, puisque c'est la promotion d'une concurrence libre et non faussée, pour en faire la zone économique la plus compétitive du monde). Ce qui correspond très bien à une population qui s'est, dans sa jeunesse, focalisée sur l'accès aux richesses, sur la consommation, plus que sur des revendications politiques (le bonheur par la consommation) et qui s'est élevée contre l'autorité.

  1. Le changement des valeurs

    1. Les nouveaux héros

Nous l'avons vu plus haut, la figure du résistant, héros moderne toujours au pouvoir en 1968, est oppressante pour une population qui ne peut soutenir la comparaison (la France ne se fait pas envahir tous les 20 ans, donc cette génération ne peut pas prouver une éventuelle valeur). Les soixante-huitards vont dans un premier temps démythifier leurs prédécesseurs, leurs parents (« Tous collabos! »), mais ils vont aller plus loin encore ils vont changer la définition de l'héroïsme. En opposition au héros proposé à l'époque, c'est-à-dire quelqu'un luttant pour forger son destin, un personnage actif, qui fait l'Histoire, le nouveau héros est une personne passive, qui subit c'est l'apologie de la Victime (surtout la victime de l'État, de la France). Quand une personne est une victime, elle devient immédiatement blanche comme neige et pure comme le diamant. Et critiquer une victime fait devenir bourreau. En faisant ce changement de définition, on ne considère plus les anciens héros, et, en plus, on peut taper sur l'État (yeah!). Cela s'exprime par l'idéologie de la repentance systématique, où la France doit demander pardon aux noirs pour l'esclavage, aux juifs pour les déportations (oui, seuls les juifs ont été déportés, c'est comme ça), au monde entier ou presque pour la colonisation ou autres... Les Français sont d'infâmes racistes, des xénophobes antisémites et va-t-en-guerre, des collabos esclavagistes nationalistes et fascistes ; ils sont riches et puissants, c'est bien la preuve qu'ils sont voleurs et mauvais. Les soixante-huitards sont fiers d'avoir honte d'être français certes, ils sont français, mais attention, ils ont bien conscience que c'est mal, ça compense!

Historiquement, il est important de souligner la valorisation, pour les bobos, des maghrébins. En effet, ceux-ci sont le premier biais par lequel les bobos vont pouvoir contester à de Gaulle et à la génération au pouvoir en 1968 son assise historique ; cette contestation se base sur la guerre d'Algérie et les maghrébins jetés dans la Seine en octobre 1961. Cet épisode historique est fondamental pour les biens-pensants car il leurs permet de déclarer de Gaulle fasciste, leurs permettant ainsi de donner une justification politique, rationnelle _a posteriori_ à ce qui n'est qu'un désordre psychologique de consommateur frustré. Par conséquent les immigrés d'Afrique-du-Nord bénéficierons par la suite d'une indulgence systématique pour service rendu (à leurs corps défendant) à la cause soixante-huitarde. On peut d'ailleurs mettre en parallèle le sort réservé aux immigrés asiatiques, qui n'existent pas pour les bobos (la « diversité », dans le discours dominant, ne comprend que les africains, jamais les occidentaux, ni les asiatiques, ni les amérindiens, ni les ... les couleurs de la diversité, c'est le noir, point!) alors que la guerre d'Indochine est antérieure à la guerre d'Algérie et qu'elle marque le début de la décolonisation pour la France.

    1. « Non à l'assimilation ! » (slogan soixante-huitard apocryphe)

La discrimination positive, la promotion des minorités visibles, est un autre exemple du phénomène. Des personnes vont être promues, non pas prioritairement par leurs compétences, mais par leur nature (jeune, femme, noir, arabe _voire musulman, l'injonction identitaire du bobo voulant que les maghrébins soient tous arabes, musulmans, ultras pratiquants qui plus est, et regardant toujours le sud de la Méditerranée avec envie ; le discours dominant reflétera et banalisera ces amalgames). Ce n'est plus le mérite, l'effort, qui est le critère prépondérant, mais l'origine le passif d'une personne prime sur ce que l'on peut mettre à son actif. En effet, le fait d'être un Français étant une tare, une faute, la régénération de la population vivant en France vient forcément de l'extérieur. Voilà pourquoi la suppression des frontières françaises et l'afflux massif d'étrangers est une bonne chose pour les bobos. Dans l'esprit du bien-pensant, les Français étant par essence racistes, il faut, pour contrebalancer ce phénomène, sur-valoriser les Noirs et les Nord-Africains, forcément discriminés et bons. On notera au passage le paradoxe ; valoriser des gens en fonction de leur couleur de peau, c'est très précisément faire preuve de racisme, puisque cela revient symétriquement à dévaloriser les personnes d'une autre couleur...à cause de leur couleur en fait le soixante-huitard, en voulant s'exonérer de l'accusation de racisme, tombe en plein dedans (« Caramba, encore raté! »). On peut même aller plus loin voulant remplacer les Français par des personnes faisant partie des « minorités visibles », ce qui revient à considérer ces groupes selon un critère génétique, les bobos considèrent donc implicitement _et inconsciemment_ que le peuple français se définit entre autres par une homogénéité génétique significative.

Les soixante-huitards vont s'attacher à s'excuser de ressembler à des Français moyens en valorisant les non-Français. Ainsi, promouvoir les non-blancs leurs permet de se laver de leur souillure originelle ils sont nés blancs. D'où les adoptions de bébés jaunes ou noirs, d'où toutes les associations d'aide aux immigrés illégaux (« sans papiers » selon le vocable bobo, car le bobo s'assoit sans scrupule sur la Loi quand cela l'arrange), d'où le foisonnement d'O.N.G. opérant hors de nos frontières 12 _frontières auxquelles il refuse toute pertinence, d'ailleurs_, tout cela ayant comme but premier de lui donner bonne conscience. Dans le prolongement de cette logique, il est devenu important qu'il y ait des noirs à l'Assemblée nationale, à la télévision 13 ou autre. En revanche, il ne vient à l'idée d'aucun soixante-huitard de demander à ce qu'il y ait plus d'ouvriers à l'Assemblée nationale, ou qu'une femme de ménage devienne présentatrice de télévision, par exemple. Cet aspect montre d'ailleurs à quel point les revendications de la gauche maintenant soixante-huitardisée ne sont plus sociales, mais sociétales. Et puis n'oublions pas que les bobos sont des bourgeois, donc se distinguer du Français moyen pour sa xénophobie, c'est aussi justifier moralement une lutte des classes qui n'a jamais cessé.

L'origine non-française d'un individu devient une qualité pour ce dernier. Et plus son origine exogène se voit, mieux c'est. Et plus il y a d'étrangers en France, mieux c'est 14 , d'autant plus que cela empêche toute assimilation des immigrés (une des conditions nécessaires à l'assimilation d'une population dans une autre étant que la première soit, numériquement, sensiblement inférieure à la seconde). En effet, toute cette démarche s'oppose frontalement à la notion d'assimilation à la française, où les origines des citoyens n'importent pas, ce qui compte étant de partager la même culture, les mêmes valeurs, les même coutumes (d'ailleurs, nos ancêtres étaient Gaulois). À l'opposé de l'assimilation, le communautarisme se développe logiquement.

Si la notion d'assimilation est combattue par les soixante-huitards, c'est parce qu'elle détruirait toute leur démarche de punition et régénération des Français, coupables de tous les maux à quoi bon faire venir des non-français en France, s'ils se mettent à agir et à penser comme des Français (c'est bien la peine!)? Surtout pas! Il faut que les étrangers qui arrivent soient le plus différent possible des Français, et qu'ils le restent! D'où le discours dominant « Soyez fier de vos origines! », « La diversité est une richesse! », sous-entendu « Ne devenez surtout pas français! ». Les bobos feront ainsi tout ce qu'ils peuvent pour que des étrangers aient la nationalité française sans avoir la culture française régularisation des immigrés clandestins et promotion des différences culturelles vont de paire. Ainsi, un des slogans de mai 1968, bien réel celui là, « Il est interdit d'interdire », est révélateur de la démarche des soixante-huitards. En effet, il devient scandaleux d'exiger d'un individu arrivant dans la société française qu'il en adopte les codes, et qu'il laisse au vestiaire ses précédents us et coutumes. Il devient fasciste d'exiger qu'il fasse l'effort de s'assimiler. Le soixante-huitard n'est pas un oppresseur, c'est un gentil (youpi!), car il accepte l'autre tel qu'il est (le soixante-huitard fantasme sur le monde de Oui-Oui). Cela préserve sa bonne conscience rappelons que le bobo est d'abord et avant tout un bien pensant. Mais, en étant passif vis-à-vis de sa culture, il oblige le reste de la société à payer le prix de sa désinvolture, à savoir entre autres le communautarisme et l'affaiblissement du sentiment national 15 .

    1. La lutte contre le mâle: la féminisation de la société

Cela nous amène à la promotion d'un phénomène de société concomitante à la montée en puissance des soixante-huitards, j'ai nommé le féminisme. En effet, les libéraux-libertaires vont être un terreau favorable pour faire croître le féminisme, puisqu'il agit comme un repoussoir à la société patriarcale précédemment vécue (et subie). Les soixante-huitards vont accompagner et entretenir la féminisation de la société, traumatisés qu'ils furent par leur éducation et par les modèles virils qu'on leurs proposait. À la quête du risque, valeur typiquement masculine, magnifiée par la seconde guerre mondiale (la guerre, activité essentiellement masculine), va faire place la quête du confort (matériel), valeur typiquement féminine, promue par la société de consommation. Quand le social est remplacé par le sociétal, quand les affaires publiques sont remplacées par les affaires privées (ou quand la vie privée devient publique c'est le triomphe _commercial, toujours_ du potin 16 ), c'est aussi la masculinité qui est remplacée par la féminité.

La féminisation de la société occidentale est par ailleurs le produit d'une évolution bien plus lointaine. En effet, les évolutions de la technique et de la technologie ont diminué la nécessité de travailleurs manuels (donc forcément masculins). En réduisant la nécessité de la spécificité masculine dans le monde du travail (la force musculaire), la mécanisation et informatisation de la société ont entraîné automatiquement les femmes dans le salariat, alors qu'avant elles ne pouvaient tout simplement pas (ou peu) y entrer. Par ailleurs, comme on passe d'une société industrielle à une société tertiarisée, ce sont plutôt les hommes, employés des industries, dont on se débarrasse: la société n'en finit pas de se déviriliser. La tertiarisation est féminisation. En outre, dans une société policée et apaisée, la violence masculine (violence physique) ne peut s'exprimer, contrairement à la violence féminine (violence psychologique). De ce déséquilibre des rapports de force naît logiquement une domination de la femme dans les rapports de couples. Et ce déséquilibre, que l'on constate au niveau de l'intime, se retrouve également au niveau de l'entreprise: on ne meurt plus sous les balles des militaires parce que l'on fait grève, mais on se suicide sous la pression du harcèlement moral dont on est l'objet.

Nous l'avons vu, le confort matériel a entraîné l'émergence de la psychanalyse,qui a fourni à ses créateurs le confort psychologique, verrouillant ainsi le système. Le confort est donc une notion cardinale pour cette société. Et quelle est l'obsession des femmes, si ce n'est le confort (sous toutes ses formes)? Le confort, LA valeur féminine, est à la fois pierre d'angle et fondation du système. Ce même système ne peut donc que valoriser au plus haut point les femmes la féminisation de la société est en fait indispensable à sa stabilité. Autre caractéristique allant dans ce sens, quand l'homme regarde vers l'extérieur, la femme regarde vers l'intérieur. Bien plus auto-centrée, égotique, narcissique, que l'homme, la femme est un support tout trouvé pour la diffusion de la psychanalyse et la promotion de l'individualisme, valeur cardinale du libéralisme-libertaire.

Par ailleurs, la famille classique étant vomie, les couples recomposés sont légion, ainsi que les familles mono-parentales, les femmes et les hommes seuls 17 . La montée en puissance de l'hédonisme _égoïsme_ a conduit entre autres à l'explosion des divorces (actuellement, il y a plus d'un divorce pour deux mariages). Et les garçons élevés uniquement par leurs mères (qui se retrouvent à assumer également un rôle qui n'est pas naturellement le leur, celui du père), se révèlent être à l'âge adulte des personnes difficilement autonomes, mal à l'aise quand il faut quitter le cocon sur-protecteur de l'enfance. Mais peu importe, l'institution du mariage est remise en question d'autant plus facilement par les soixante-huitards qu'elle est vue comme une structure rigide d'une autre époque (et que leur confort matériel individuel, effectif et recherché, leur facilite la séparation). Casser le mariage, la famille, c'est aussi casser le modèle familial qu'ils ont subi dans leur enfance.

Autre phénomène allant de pair avec la montée du féminisme, la valorisation de l'homosexuel. En effet, les féministes, en quête d'égalitarisme et d'indifférenciation pour ce qui est par essence différent et complémentaire (sinon, c'est la fin de l'espèce, tout bêtement), veulent assimiler les femmes aux hommes (parce que paradoxalement, leur référence inconsciente, c'est le mâle). Mais l'homosexualité masculine, qui voit des hommes se comporter comme des femmes, leur va très bien également, et donc les féminismes vont encourager l'émergence de cette population en tant que modèle d'homme.

  1. La classe moyenne, idiote utile de la grande bourgeoisie libérale

    1. Le bobo à la botte de l'oncle Sam

L'une des raisons pour lesquelles l'idéologie libérale-libertaire a eu un tel écho dans notre société, ce n'est pas qu'elle est partagée par une majorité de la population (sinon, par exemple, le projet de constitution européenne serait passé comme une lettre à la poste), mais parce qu'elle rentre en résonance avec les intérêts nationalistes d'une grande puissance, les États-Unis, qui se sert de l'économie (la promotion du libéralisme) pour conforter sa puissance au niveau mondial. En effet, les États-Unis, ayant la conscience de leur puissance et l'assumant complètement _eux_, ne souhaitent pas avoir de rival, et donc utilisent des leviers (qu'ils se créent ou qu'on leur donne) leurs permettant d'empêcher d'éventuelles puissances émergentes de les concurrencer. Or l'entité pérenne ayant, dans l'Histoire, une puissance maximale, c'est la Nation 18 . Donc leur objectif est de s'attaquer à des nations qui pourraient les concurrencer à terme. Pour ce faire, ils ont par exemple mis en place le F.M.I. et la Banque Mondiale, dont le rôle est d'endetter les pays « aidés » (c'est-à -dire les rendre dépendants) en libéralisant leur économie la suppression de la puissance étatique est obtenue par le tarissement de ses ressources financières, entre autres par une privatisation sans fin (étant entendu que la puissance d'une nation s'exprime à travers son État). Ils ont aussi contribué à la mise en place de zones de libres-échanges, où les nations devraient mettre en place un marché commun _selon des canons libéraux, comme de bien entendu mettre en concurrence, c'est diviser, pour mieux régner. L'union européenne est une de ces zones, et c'est même celle où la logique de destruction des puissances nationales, de suppression du rôle de l'État est poussée le plus loin, justement parce qu'une grande partie de sa population (les libéraux-libertaires) partage cette volonté de suppression du rôle de l'État-Nation. Notons au passage que ce n'est pas vrai pour tous les pays de cette zone de libre échange. Par exemple, l'euro, seule monnaie au monde à ne pas être officiellement contrôlée par un État 19 , est en fait un Deutschmark renommé, de par la volonté de l'Allemagne de ne pas renoncer à sa puissance en tant que nation continentale (l'exemple de l'Angleterre à ce sujet est aussi très parlant). Comme tous les pays ne jouent pas le jeu dans l'union européenne, cela se retourne contre ceux qui ne jouent pas leurs jeux. Par conséquent, l'union européenne se retourne contre la France, parce que d'une part certains Français sont pour une libéralisation maximale de l'économie (les riches gosses de riches de la finance mondialisée) et que d'autre part une autre frange de la population, la classe moyenne soixante-huitarde, est toute gentille, toute tolérante, toute bien-pensante, incapable de réellement promouvoir l'intérêt général au-delà des déclarations d'intentions, mais prête à tout accepter pour que vive l'union européenne, sacro-sainte preuve selon eux de l'inanité de l'État-Nation (et donc facteur identitaire vis-à-vis de leurs parents) « Je suis européen, citoyen du monde! ». Cette classe moyenne n'est pas fondamentalement hostile à l'État social, au contraire, même (beaucoup de fonctionnaires en font d'ailleurs partie), mais comme elle ne subit pas pour l'instant de plein fouet les méfaits de l'union européenne, et qu'elle a besoin du concept d'union européenne pour se sentir exister, elle est prête à accepter que cette dernière prenne une tournure qui ne lui plaise pas du tout, pourvu qu'elle perdure. D'où d'ailleurs l'efficacité du chantage systématique des dirigeants libéraux _soixante-huitards ou non_ sur cette population « Si vous êtes contre ce traité européen, cette proposition européenne, cette union européenne, etc., c'est que vous êtes contre l'union européenne tout court. Et si vous vous exprimez contre cette union européenne, alors vous faites le jeu de ceux qui ne veulent pas d'union européenne tout court. ». Du coup le bobo cède au chantage, préférant être cocu au su de tous plutôt que seul, d'autant plus facilement qu'il n'attrape pas _pour l'instant_ la syphilis qui va avec.

    1. Le libertaire contre le prolétaire

Le féminisme et l'individualisme vont contribuer à déstructurer la société et casser la cohésion des classes les plus pauvres.

a.Casser le plus petit des groupes pour casser le plus grand

Avec le féminisme, les soixante-huitards des classes moyennes se font cocufier (en souriant) par les libéraux qui composent les classes dirigeantes (sans parler du reste de la société). En effet, les femmes consomment plus que les hommes, et donc valoriser la féminisation, c'est favoriser la consommation (entre autres!), ce qui convient très bien aux dirigeants. Le féminisme, qui prétend à l'indifférenciation des sexes, est très bien vu par les gosses de riches soixante-huitards qui ont succédé à leur parents, puisqu'il leur permet de mettre toute une nouvelle catégorie de population, les femmes, au travail salarié 20 , qui vont ainsi pouvoir consommer encore plus. En croyant s'émanciper du système, les soixante-huitardes pseudo-rebelles, ne font en fait que s'y soumettre le libertarisme est au service du libéralisme (via, entre autres, le consumérisme). Par ailleurs, les classes dirigeantes sont très contentes de pouvoir remplacer les hommes par les femmes au travail, ce que la tertiarisation de l'économie leur permet, puisqu'elles sont moins revendicatives sur le plan social, plus dociles. Grande incompréhension des féministes, si les salariées sont moins bien payées que les salariés, c'est parce qu'elles luttent moins pour leurs droits, qu'elles contestent moins l'autorité, et qu'elles font des enfants, ce qui les éloignent plus souvent que les hommes du monde du travail, et les fait choisir plus facilement des emplois à mi-temps ; la différenciation des sexes rattrapent indéfiniment les féminismes qui avaient voulu la nier. Notons que les féministes, toutes obnubilées à nier leur nature (« Je fais ce que je veux de mon corps, c'est-à-dire rien. »), considèrent l'acte sexuel (et la maternité qui en découle in fine) comme un assujettissement. Donc, perpétuellement frustrées en luttant contre leur nature, elles se focaliseront sur la réussite professionnelle et dénonceront ces femmes, sexo-traîtres, qui ont des enfants. Finalement, le féminisme remplace la dépendance au mari par la dépendance au patron (« Alors, heureuse? »).

Un autre exemple d'instrumentalisation de l'individualisme se retrouve dans le monde du travail. En effet, faire la promotion des parcours individuels permet de casser les solidarités collectives, de supprimer la conscience de classe, et la force du nombre, seul véritable atout des dominés face aux dominants (car c'est un atout intrinsèque), est ainsi maîtrisée (avec l'aide d'autres méthodes, que je n'aborderai pas ici). Une fois de plus, les soixante-huitards, des classes moyennes ou hautes, n'ont jamais vraiment eu besoin des solidarités collectives ; et celles dont ils ont le plus besoin, par exemple la sécurité sociale, ne sont attaquées que très progressivement. Et ce n'est par exemple que maintenant que les soixante-huitards sont en train de partir massivement à la retraite que le MEDEF pousse ouvertement à supprimer les conventions collectives pour les remplacer par des contrats de gré à gré 21 . Donc les soixante-huitards des classes moyennes (qui ne mènent jamais la barque) vont servir et accompagner le mouvement sans trop barguigner. Par ailleurs, les solidarités nationales (sécurité sociale, retraites...), étant mises en places par un État fort, ou garanties par ce dernier (conventions collectives), les détruire contribue à diminuer la légitimité de la puissance étatique. Ce qui n'est pas pour déplaire au soixante-huitard, bien au contraire, tout obnubilé qu'il est à nier le fait national (et ce qu'il lâche d'une main au niveau national _services publics et autres organismes étatiques_, il fantasme de le retrouver un jour au niveau de l'union européenne ; mais bien sûr, ceux qui ont réellement le pouvoir se contentent d'agiter de temps en temps le miroir aux alouettes de l'« europe sociale »).

L'idéologie libertaire, c'est aussi le remplacement du social par le sociétal, et donc il n'y a rien d'étonnant à ce que les soixante-huitards en soient des chauds partisans (« le droit de » tourné vers le bonheur individuel remplaçant « le devoir de » tourné vers le bien commun). On le voit actuellement, la gauche ne va plus à l'offensive sur le terrain du social, elle ne défend plus le prolétaire, mais le bobo. Le libéralisme, une fois de plus, a tout à gagner avec la féminisation de la société. La gauche a abdiqué face au libéralisme, et comme un écran de fumée, se concentre sur le sociétal la lutte pour la parité homme-femme (mais uniquement là où il y a plus d'hommes que de femmes), pour le droit de vote des étrangers (« Vive le mondialisme et la négation des peuples, des nations et des frontières. »), ou encore pour le mariage homosexuel. À ce propos, l'homosexuel, mâle efféminé, convient parfaitement aux dirigeants libéraux, puisqu'il consomme comme une femme ; la société de consommation réclame et donc valorise ce « genre » de personnes encore une fois la féminisation de la société est un instrument du libéralisme.

Autre constat, le libertarisme, associé au féminisme, a contribué à une diminution des naissances 22 . Le déficit de population ainsi entraîné a favorisé un discours dominant, celui de la nécessité (comme à propos de l'union européenne, il n'est jamais question de choix dans le discours dominant ; le rejet soixante-huitard du politique arrange bien les dominants) d'importer des humains en France pour compenser ce déséquilibre, notamment pour payer les retraites de ces mêmes soixante-huitards. Mais cet afflux de main-d'œuvre étrangère a permis de faire pression sur les salaires des prolétaires on voit une fois de plus que les soixante-huitards de la grande bourgeoisie libérale instrumentalisent les soixante-huitards de la classe moyenne, et ce d'autant plus facilement que ces derniers, maintenant installés, ne subissent pas _ou peu_ les conséquences des décisions prises.

En effet, si les bobos des classes moyennes soutiennent moralement l'action des dominants (ou, au pire, protestent mollement), c'est qu'ils bénéficient des conséquences économiques des décisions prises faire travailler des étrangers payés au lance-pierre permet de diminuer les prix des marchandises qu'ils achètent. Et qu'ils achètent seulement ils ne les fabriquent pas, et ne vivent donc pas dans leur chair ce que les prolétaires subissent. Occupant des postes dans le tertiaire (fonctionnaire, de profession libérale à haute qualification, artiste maudit...), ils ne subissent ni délocalisation, ni concurrence, ni chômage en raison des flux de populations que l'ouverture des frontières permet, mais voient par contre les prix diminuer via la mondialisation des échanges et la mise en concurrence des prolétaires de tous les pays. Ajouter à cela la satisfaction morale de donner de l'argent à de pauvres étrangers très malheureux à cause de la colonisation (et s'ils produisent bio, alors là c'est le pompon !), et l'on ne peut que constater qu'ils n'ont définitivement pas de raisons objectives de se plaindre, mais plutôt toutes de remercier le système pour le bien-être qu'ils leur procure.

b.La création du chômage, ou la résolution d'un problème d’ego

Continuons un peu à creuser le rapport des soixante-huitards avec l'immigration/les immigrés. Les patrons avaient besoin d'un surplus de demandeurs d'emploi, car le plein emploi déséquilibre les rapports de force en faveur des salariés avec le plein emploi, les employés peuvent faire pression sur leurs patrons en les menaçant de démissionner. Cela est insupportable pour le _grand_ patronat. En effet, quand on est patron, on est censé avoir des gens sous ses ordres, on veut se faire obéir, dominer (le patron est le mâle dominant de la tribu capitaliste), et non pas subir la dictature du prolétariat qui découle du plein emploi 23 . Mais quand il y a 10% de chômeurs parmi la population active, il n'y a pratiquement plus de grève et l'employé ne peut plus demander d'augmentation de salaire. Ceci a entraîné un tassement des salaires, la fin de l'inflation 24 et une augmentation spectaculaire de la part du capital par rapport à celle du travail dans le P.I.B. 25 . C'est le triomphe de la finance mondialisée sur le salariat, du rentier sur le travailleur, de l'actionnaire sur le salarié. Et pour créer ce chômage salvateur, le patronat est allé chercher des chômeurs là où il y en avait, c'est-à-dire à l'étranger. La mise en concurrence libre et non faussée des salariés, autrement dit un marché du travail libéralisé, a permis au patronat de reprendre les rênes (« diviser pour régner », toujours). Et ils ont été aidés (et le sont d'ailleurs toujours) par les soixante-huitards, une fois de plus idiots utiles de la mondialisation libérale. En effet, le libertaire mondialiste ne veut pas mettre de contraintes à l'entrée de personnes sur le territoire français « Ils sont si malheureux, et la France leur a fait tellement de mal, nous devons payer les réparations, on ne peut pas refuser les pauvres que nous avons créés. » (rappelez-vous, la France est responsable de tous les malheurs du monde pour le soixante-huitard). Le libéralisme pourra donc utiliser et créer des flux de populations à sa guise. L'afflux massif d'étrangers auxquels on sert un discours victimaire (avec en plus le discours libertaire sur les merveilles de la diversité) empêche une assimilation normale des immigrés (selon le modèle républicain), ce qui explique, comme nous l'avons déjà vu, le communautarisme croissant de la société française. Communautarisme qui correspond au modèle de société... anglo-saxon, comme par hasard, donc parfaitement compatible avec le système libéral (une fois encore, le libertarisme se retrouve au service du libéralisme).

À « l'immigration de travail » a censément succédé « l'immigration de peuplement » (via le regroupement familial): cela remplit d'aise le soixante-huitard qui y voit une façon de noyer le Français moyen dans la masse, tout en satisfaisant sa bonne conscience. En fait, on a tort d'opposer « immigration de travail » et « immigration de peuplement »: il n'y a en fait qu'un seul phénomène qui se décline sous deux formes différentes: « l'immigration de chômage ». Le regroupement familial n'aurait pas pu être mis en place sans une « immigration de travail » préalable, et c'est parce que le regroupement familial a été mis en place que l'immigration dite « de travail » a cessé. Elle devenait en effet inutile, puisque l'on avait trouvé un autre moyen, médiatiquement plus vendeur, pour la même fin: satisfaire l’ego du patron (par création du chômage de masse).

À Paris, par exemple, on peut constater que l'association Droit Au Logement se bat pour le logement des immigrés (il n'est qu'à voir les personnes qu'elle exhibe dans la rue lors de ces coups médiatiques 26 ) : manifestement, le Français, lui, peut toujours aller se brosser (néanmoins, parlez de préférence nationale, de solidarité patriotique, et les biens-pensants vous brûleront en place publique 27 ). De toute façon, le bobo a les moyens de mettre ses enfants dans des écoles privées (voire de leurs payer des cours particuliers) et d'habiter des quartiers (ou simplement immeubles) à loyers prohibitifs pour les immigrés. Mais là où il a fait un mauvais calcul, c'est que l'augmentation des chômeurs n'augmente pas les cotisants à sa retraite, bien au contraire. Et rappelons que la pression démographique continue explique en partie un inexorable renchérissement des loyers (conséquence logique toute politique du logement, sans régulation des flux migratoires, est irrémédiablement vouée à l'échec, mais ne le dites pas trop fort car de toute façon les soixante-huitards sont maintenant propriétaires de leur logement, quand ils ne possèdent pas une maison secondaire). Et allez expliquer à un bobo qu'il y a trop d'étrangers en France, que l'on ne peut pas bétonner entièrement ce pays pour accueillir toute la misère du monde 28 , qu'il n'est pas normal qu'un étranger ait tous ses soins médicaux gratuits là où le Français cotise et doit payer une franchise médicale, et il vous traitera de nazi.

Pour en terminer avec cette partie, il convient de noter que le patronat français sait très bien ce qu'il fait, et pourquoi. « Défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance » 29 , voilà qui est un objectif on ne peut plus clair. Et l'homme qui a énoncé cette phrase en octobre 2007, Denis Kessler, est un soixante-huitard pur sucre maoïste dans sa jeunesse, il a fini par travailler aux côtés de monsieur Seillière lorsque ce dernier dirigeait le MEDEF. Citons encore monsieur Beigbeder, dirigeant de Poweo, qui s'attristait en janvier 2008 sur une France « qui continu[ait] à vivre sur un modèle fondé en 1946, à partir du programme de Conseil National de la Résistance », et que le rapport Attali (Ô joie!) permettra d'anéantir 30 .

  1. La théorie du complot

Comprenons-nous bien: je ne prétends pas que les soixante-huitards ont fomenté une vaste conspiration, organisé sciemment les changements de la société, mais simplement qu'ils se sont servi d'autres forces qui leur correspondaient (« l'occasion fait le larron »), ou que leur idéologie a été promue pour servir des intérêts autres, leur relativement haut niveau social, l'innocuité de leurs idées pour les dominants, et la force du nombre leur faisant saturer l'espace médiatique.

Entre autres choses, je ne pense pas qu'ils aient sciemment détourné le sens originel de l'héroïsme, simplement qu'ils ont saisi des opportunités que leurs offraient d'autres groupes de pression, qu'ils les ont faites leurs, car elles allaient dans le sens de leurs intérêts. Par exemple, comme la France comprend beaucoup de Français juifs _ou, vu différemment, que beaucoup de juifs vivants hors Israël sont des Français_, Israël a tout intérêt à ce que la France se voit comme un pays antisémite 31 et à ce qu'elle valorise à outrance la victime juive des déportations. En effet, ceci peut inciter une partie de sa population à émigrer avec armes et bagages en Israël les intérêts d'Israël et des soixante-huitards concordant, l'héroïsation de la Victime s'en est trouvée d'autant plus favorisée 32 .

De même, la psychanalyse n'a pas été créée par les bobos ni les grands-bourgeois mondialisés durant la période post-soixante-huitarde pour justifier, théoriser et asseoir leur domination 33 . Néanmoins le concept, s'appliquant à ces derniers lorsque ceux-ci dominent, va inévitablement être utilisé, mis en pratique et donc valorisé. Les dominants et leur idéologie montent de concert, par valorisation réciproque. L'époque crée un grand nombre de personnes suffisamment aisées pour qu'elles puissent ne s'intéresser qu'à leur nombril, donc la psychanalyse est pratiquée à une échelle sans précédent. Du coup ses principes sont vulgarisés. Comme la psychanalyse se diffuse dans la société, l'individu, théorisé comme un concept absolu, renforce la domination des dominants (en remplaçant le projet collectif _la démocratie_ par des parcours individuels: la société s'atomise, les masses populaires s'affaiblissent): la boucle est bouclée.

1Privatisations massives, suppression des barrières douanières, précarisation des intermittents du spectacle, suppression de la monnaie nationale, diminution de la présence française à l'étranger, valorisation du communautarisme, auto-flagellation morale systématique...

2Ici présentées dans un ordre quelconque.

4Bobos bourgeois bohèmes, se définissant comme « bourgeois de gauche », ce sont les soixante-huitards dans toute leur splendeur, confortablement installés dans leurs protestations de bon aloi.

5D'ailleurs tous les professeurs de cette tranche d'âge seront des soixante-huitards dans l'âme.

6En revanche, il est l'illustration de l'échec du soixante-huitardisme comme doctrine politique.

7Voir par exemple les accords de Bretton Woods en 1944 instituant entre autres la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International.

8« Heureusement! »

9C'est le cas de le dire.

10De par leur morale chrétienne (« Heureux les pauvres, le royaume des cieux leur appartient. »), on pourrait dire que les individus appartenant à la droite traditionaliste ont de la compassion pour le mendiant qui n'est pas dans leur rue, quand les soixante-huitards ont de la compassion pour le petit Africain qui se trouve à 4600 km de chez eux.

11L'exemple du référendum du 29 mai 2005 suivi du traité de Lisbonne est à cet égard symptomatique.

12Il n'est qu'à voir le nombre d'ONG « sans frontière » pour s'en convaincre; les SDF, eux, attendront.

13Harry Roselmack, membre du club Averroes, a ainsi été présentateur à un journal télévisé à 20 heure parce qu'il était noir, ce dont il se « félicite » (dans l'émission « On n'est pas couché » du 22 septembre 2007 : http://www.dailymotion.com/video/x42uww_zemmour-face-a-harry-roselmack_news)

14Pour un bien-pensant, il est impossible que la phrase « Il y a trop d'étrangers en France » soit juste, quel qu'en soit le nombre, car pour lui, il y a trop de Français en France.

15Ainsi, après un match de foot-ball Algérie-Égypte le 18 novembre 2009, a-t-on pu voir des gens remplacer le drapeau français par le drapeau algérien au fronton de la mairie de Toulouse : http://www.dailymotion.com/video/xb888j_drapeau-algerien-a-la-mairie-capito_news

16Le 8 mars 2008, « Le Monde » (désolé) a ainsi publié un article de madame Pascale Santi intitulé « En 2007, l'"effet Sarkozy" a fait vendre 110 millions d'exemplaires de magazines de plus », et on ne compte plus les livres de « vedettes » tellement fascinées par leur ego qu'elles ne peuvent s'empêcher de rendre publique leur intimité, moyennant finance _faut pas pousser non plus. Par ailleurs, on notera que Philippe Cohen et Élisabeth Levy, dans leur ouvrage « Notre métier a mal tourné » font le même constat « Plus la politique manifestait son impuissance devant la montée de l'économie, plus la vie des hommes politiques devenait le vrai sujet dans les rédactions. Le combat collectif disparu, seul restait le destin des hommes [...]. »

17Anecdotique, mais ainsi le patronat va pouvoir vendre des portions de plus en plus réduites de ces produits, et donc faire des bénéfices bien plus importants, un litre de lait vendu en une fois rapportera moins qu'un litre de lait vendu en 10 portions individuelles de 10 centi-litres la solitudes des uns finit par faire le bonheur de certains autres.

18Pour faire court, les tribus sont moins puissantes et les empires moins durables.

19La contribution du Dollar dans la puissance des États-Unis nous montre pourtant l'importance de la monnaie en tant que facteur de puissance.

20Travail salarié, attention, je n'ai pas écrit qu'avant les femmes ne travaillaient pas.

21Lire à ce propos l'article de Gérard Filoche, « Tornade patronale sur le code du travail », Le Monde Diplomatique, mars 2008.

22« L'indicateur conjoncturel français stagne depuis 1976 au voisinage de 1,8 enfants par femme [en âge de procréer] » ( http://www.ined.fr/fichier/t_publication/490/publi_pdf1_pop_et_soc_francais_264.pdf ), inférieur donc au taux de renouvellement de la population (2,1).

23Hé, oui, il a existé un pays où le système communiste a fonctionné, c'était la France des trente glorieuses.

24C'est ce qu'explique monsieur Chevènement dans « La faute de monsieur Monnet », quand il mentionne « le système du "NAIRU" ».

25Entre 1983 et 2006, de « 120 à 160 milliards d'euros [...] ont ripé du travail vers le capital », soit une chute de 9,3% de la part des salaires dans le P.I.B. ; Le Monde Diplomatique, janvier 2008, « Partage des richesses, la question taboue », Jacky Fayolle

26Soutenus systématiquement par des personnalités bobos.

27Bizarrement, il est à noter que se prononcer pour la « préférence communautaire », qui correspond pourtant strictement au même principe, n'entraîne pas de telles conséquences.

28Pour reprendre une citation de monsieur Zemmour, « On ne va pas bétonner entièrement ce pays [...]. » et une de monsieur Rocard, « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. ».

29Denis Kessler cité dans Marianne, n°55, « 1901-2007, Un siècle de jeux d'influence », Éric Conan

30Citation publiée dans Le Journal du Dimanche et mentionnée dans Le Canard Enchaîné du 6 février 2008 dans l'article « À bas les jours heureux! » de Jean-Luc Porquet (qui fait également le rapprochement avec la première citation).

31Une fois de plus, admirons au passage le superbe paradoxe.

32Pour en rajouter une couche (oui, j'aime ça), signalons que le statut de victime est par ailleurs une composante identitaire chez les juifs plus on a souffert, et plus on appartient au peuple élu.

33Freud, l'inventeur de la psychanalyse, meurt en 1939.

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